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La méditation, un outil de gestion de la douleur?

par Amélie Laberge, ostéopathe

La douleur fait partie de l'expérience du commun des mortels. En phase aiguë ou chronique, cette sensation physique désagréable peut aussi être accompagnée de détresse émotionnelle. Dans le présent article, nous abordons les bienfaits de la méditation dans la gestion de la douleur. La gestion de la douleur ne vise pas uniquement la réduction de son intensité, mais aussi une diminution des symptômes psychologiques associés.

Quelques notions de base

À déclenchement rapide, la douleur aiguë découle d'une cause biologique précise, c'est une alarme protectrice qui nous indique qu'une partie de notre corps est en souffrance. Généralement, ce genre de douleur disparaît après guérison ou disparition de l'irritant. Si la douleur persiste plus de 3 à 6 mois et devient chronique, elle perd sa fonction protectrice et devient agressante pour l'organisme (Boudreau, 2009). C’est alors que la douleur peut entraîner des états psychologiques négatifs, comme la dépression, l'anxiété et le désespoir.

Quand la douleur affecte l'humeur... et l'humeur affecte la douleur

Selon la théorie de la porte de Melzack (cité dans Golden, 2002), les émotions associées à la réponse de stress, notamment l'anxiété, la peur, l'isolement, la colère et le désespoir, peuvent intensifier la douleur, car elles « ouvrent la porte » à plus de messages de douleur. Aussi, les croyances et les pensées au sujet de la douleur pourront augmenter la perception de la douleur, tout comme l'attente et l'appréhension (Wiech, Ploner & Tracey, 2008). D'autres expériences comme la joie et la relaxation peuvent avoir l'effet contraire, inhibant les messages de douleur, « fermant la porte » à la douleur (Golden, 2002). Cela nous donne une piste pour être proactif dans la gestion de la douleur.

Certe, la douleur attire l'attention et il est difficile de l'ignorer. Cela dit, le simple fait de se concentrer sur la douleur peut en augmenter l'intensité (Sullivan et al., 2000). Parallèlement, les personnes qui portent leur attention sur un objet de distraction auront une perception moindre de la douleur (Wiech, Ploner et Tracey, 2008). Le phénomène de la distraction de la douleur est l'un des mécanisme à l'oeuvre dans la méditation.

L'attention et la conscience : deux aspects de la méditation

Le premier aspect de la méditation est la pratique de l'attention (mindfulness), qui comprend un effort de concentration. L'attention est placée sur un objet de méditation, par exemple la sensation de la respiration. Pour maintenir son attention, le méditant doit être vigilant et remarquer lorsque son esprit est ailleurs. Souvent, l'attention dérive de la respiration vers des pensées ou d'autres sensations physiques, comme la douleur. L'instruction est de simplement ramener son attention à la respiration. Le fait de ramener l'attention à l'objet de méditation permet de stabiliser l'esprit et d'être moins égaré—et aussi de le distraire de la douleur.

Le deuxième aspect est la pratique de la conscience (awareness). Ici, on met l'accent sur l'expérience personnelle. On observe sans jugement l'expérience physique, mentale et émotionnelle. Il en découle une plus grande écoute face au corps et à l'environnement, tout en étant moins réactif, ce qui permet de limiter la détresse émotionnelle associée aux expériences de la douleur (Lutz, Slagter, Dunne, et Davidson, 2008).

Le but de la pratique de méditation est de développer un état de conscience du moment présent, dégagé des croyances, du tourbillon de pensées et des émotions. Grâce à la pratique de la méditation, on peut cultiver des attitudes favorables à la gestion de la douleur, comme l'absence de jugement, l'ouverture, la confiance et l'acceptation sans dramatisation (Ludwig, & Kabat-Zinn, 2008). Bien qu'il soit difficile d'en mesurer les effets de façon empirique, la méditation semble être un outil important dans la gestion de la douleur. En pratiquant la méditation, on apprend à être présent. On apprend à ne pas s'identifier à la douleur passée, puisqu'elle n'existe pas, ni à appréhender la douleur future, puisqu'elle n'existe pas non plus. On accueille la douleur présente en essayant de ne pas se crisper ni d’ajouter un commentaire négatif. Le méditant fait attention à son attitude, il sait quand sa présence est claire, non agressive, et quand sa présence est empreinte de jugement et de réactivité (Kabat-Zinn, 1982). Lorsqu'on est dans l'instant avec une attitude ouverte, moins réactive et moins agitée, l'intensité de la douleur, la panique et la douleur par appréhension diminuent. L'expérience de la douleur peut devenir moins dramatique : en étant conscient des processus mentaux de dramatisation, on peut choisir de cesser de les alimenter. En développant sa capacité d'attention, le méditant peut laisser la douleur passer au lieu d'être complètement absorbé par celle-ci.

Nous avons vu que, selon la théorie de la porte, plusieurs facteurs émotionnels et cognitifs peuvent augmenter la douleur. La gestion de la douleur étant complexe, une approche multidisciplinaire est le plus souvent appropriée. Sans être une panacée, la méditation permet de limiter de tels facteurs de douleur, comme la dépression, l'anxiété, la dramatisation. La méditation permet de développer une plus grande résilience psychologique et de se prendre en charge, réduisant le sentiment de vulnérabilité face à son sort.

La méditation ne s'adresse pas aux patients atteints de troubles psychiatriques sévères comme la schizophrénie (Bishop, 2002).

Références

Bishop, S. (2002). What do we really know about mindfulness-based stress reduction? Psychosomatic Medicine, 64, 71-83.

Boudreau, A. (2009). Influence de la séquence de normalisation et d’équilibration des trois diaphragmes sur la perception de la douleur chronique musculo-squelettique. Collège d’Études Ostéopathiques. Montréal.

Golden, B.A. (2002). A multidisciplinary approach to nonpharmacologic pain management. JAOA, 102, S1-S5.
 

Kabat-Zinn, J. (1982). An outpatient program in behavioral medicine for chronic pain patients based on the practice of mindfulness meditation: theoretical considerations and preliminary results. General Hospital Psychiatry, 4, 33-47.

Ludwig, D.S. et Kabat-Zinn, J. (2008). Mindfulness in Medicine. Journal of American Medical Association, 300, 1350-1352
 

Lutz, A., Slagter, H.A., Dunne, J.D., et Davidson, R.J. (2008). Attention regulation and monitoring in meditation. Trends in Cognitive Sciences, 12, 163-169.

Sullivan, M.J.L., Thorn, B., Haythorntwaite, J.A., Keefe, F., Martin, M., Bradley, L.A., et Lefevre, J.C. (2000). Theoretical Perspectives on the Relations Between Catastrophizing and Pain. The Clinical Journal of Pain., 17, 52-64.

Wiech, K. Ploner, M., et Tracey, I. (2008). Neurocognitive Aspects of Pain Perception. Trends in Cognitive Sciences, 12, 306-313.